Présenté comme catalogue de l’exposition à la Galerie Fait et Cause au 58 rue Quincampoix, le 19 février 2008.

Dans le cadre des 9èmes Rencontres Européennes du Livre de Sarajevo, le Centre André Malraux présente : Sarajevo dans le coeur de Paris, une exposition de Milomir Kovačević.  Du 7 au 13 octobre 2008 Umjetnička galerija BiH Du 16 octobre au 16 novembre 2008 Atelje-Zbirka Zec

Pendant trois ans, le photographe a parcouru des centaines de kilomètres pour aller à la rencontre de Sarajéviens installés à Paris, construisant peu à peu la confiance nécessaire pour qu’ils consentent à livrer un pan de leur histoire intime. À travers les objets qu’ils ont choisis pour symboliser leur exil, et les textes qu’ils ont inscrits eux-mêmes sous chaque photographie, l’on voit les mémoires individuelles se transcender sous nos yeux en mémoire collective et intemporelle. Les photos ont été exposées à Sarajevo et à Paris, accompagnées par ce livre dont le format A4, imprimé uniquement en belle page, flirte avec le livre d’artiste. C’est un choix significatif des éditions Qupé : en nous lançant dans l’édition, nous voulons nous affranchir des contraintes habituelles.

Né en Ex-Yougoslavie en 1961, Milomir Kovačević fait ses débuts de photographe dès l’âge de 17 ans. Il se consacre principalement à saisir la vie de la rue et à restituer le climat des événements culturels, devenant le chroniqueur visuel de Sarajevo. Entre 1992 et 1995, il réalise 30 000 photographies exposées dans les galeries de la ville assiégée. En 1995, il s’installe à Paris où il poursuit son travail. Lauréat en 1998 de la Fondation CCF pour la Photographie, il expose en France et à l’étranger, notamment au New York International Center of Photography. Photographe de la mort et de la vie, du passé et du présent, de l’éternel et du passager, ses images sont à la fois violentes et empreintes de sérénité. Leur qualité réside avant tout dans leur force picturale, loin pourtant de toute stylisation.

SARAJEVO dans le coeur de PARIS

L’histoire des « Sarajeviens » qui vivent à Paris est l’histoire de tous les « exilés » : une seconde vie, des nouveaux bonheurs et d’autres malheurs, la galère aussi…le passé aboli, la nostalgie de la terre natale, l’espoir d’y revenir un jour peut-être, la langue mère reléguée dans son cœur, que l’on retrouve pour compter, pour chanter et pour rêver … Milomir Kovačević a photographié chez une centaine de ses compatriotes venus de Sarajevo l’objet qu’ils ont pu ou voulu emporter, auquel ils tiennent le plus. Objet rare ou courant, précieux ou sans valeur, hors d’usage ou en bon état… Seule chose restant de la famille, seul souvenir d’amour, seule trace de l’enfance … Les photos sont prises sur fond neutre, bien cadrées : une valise (cabossée), une pince à sucre (en argent), une écharpe (pliée), des dentelles (impeccables), une paire de chaussures d’enfant (éculées), une poupée (abîmée), des photos de famille, de tableaux etc. etc. Comme un catalogue de l’hétéroclite. Sous les photos, chacun a écrit en quelques lignes ce qu’est – pour lui – cet objet. Et tout à coup, dans notre monde du prêt-à-jeter, de super et d’hypermarchés, de vente par correspondance et de vente sur Internet, de promotions et de soldes, de brocantes et de vides greniers, voici les objets investis d’une valeur sacrée.

Michel Christolhomme Directeur Photo de l’association  Pour Que l’Esprit Vive

Avant-propos de Milomir Kovačević Installé à Paris depuis douze ans, je me suis toujours efforcé, dans mon travail photographique, de donner une autre image de Sarajevo, la ville où j’ai passé plus de trente ans de mon existence et dont j’ai été, pendant de nombreuses années, le chroniqueur visuel. La série de photographies que je présente aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de cet effort. Sarajevo et ses habitants sont devenus familiers aux Français surtout dans les années 1990 lors de la guerre qui a ravagé l’ex-Yougoslavie pendant plus de quatre ans. Les images de souffrance se sont imposées d’elles-mêmes et, depuis, elles sont restées figées dans l’esprit de beaucoup. Rares sont ceux qui ont essayé de porter un autre regard sur cette ville et de faire partager aux gens d’ici une réalité bien plus complexe que celle que les médias ont montrée. Le projet « Sarajevo dans le cœur de Paris » a longtemps mûri en moi. Dès le début, je savais qu’il ne pouvait pas être réalisé sans la participation de celles et de ceux qui ont vécu dans cette ville de longues années durant et qui se trouvent aujourd’hui à Paris, certains par choix, d’autres par hasard. À partir de là, l’idée de photographier l’objet que chacun de ces anciens habitants de Sarajevo porte dans son cœur s’est presque imposée d’elle-même. Qu’y a-t-il de plus intime, de plus cher pour un être humain qu’un objet dont il a hérité ou qu’il a acquis et qui lui rappelle son passé, la ville où il a grandi, sa famille, un moment inoubliable de son existence ? Moulin à café, version ottomane ou austro-hongroise, chaussures d’enfant, premier jouet en bois, boîte à bijoux héritée de la grand-mère, photos de famille, mallette, petit coussin, plaque d’immatriculation, gants, pipe, livre d’or scolaire, porte-clés fétiche figurent parmi les objets photographiés. L’enthousiasme de tous les gens que j’ai contactés m’avait conforté davantage encore dans l’idée de réaliser ce vaste projet qui a pour but de démontrer, à travers l’objet et l’histoire personnelle de chacun, toute la richesse de la petite ville moderne et multiethnique qu’était Sarajevo. Je m’étais d’abord fixé un maximum de cinquante photos, qui seraient accompagnées d’un petit texte rédigé par chacun des participants. Mais très vite, je me suis rendu compte que l’histoire de Sarajevo ne saurait se réduire à ces quelques dizaines de photos. J’ai donc continué, et aujourd’hui plus de cent photos sont réalisées. Je poursuivrai ce projet tant qu’il y aura des gens qui auront des choses à dire et qui sauront, avec leur objet personnel, apporter leur pierre à cet édifice photographique que je souhaite voir grandir. C’est également mon histoire, celle que je voudrais partager avec ceux qui n’ont pas eu la chance de connaître le Sarajevo d’avant la guerre. C’est une histoire intime, la mienne et celle de tous ceux qui ont pris la peine de m’accompagner dans cette volonté de faire changer le regard sur les habitants de Sarajevo.   www.milomirkovacevic.com www.milomirkovacevic.info